Le son des guitares électriques et de la batterie d'un groupe de hard rock remplit la chambre, me réveillant d'un coup. Pas encore très bien réveillée, j'attrape la première chose qui me tombe sous la main -ma lampe de chevet en l’occurrence- et la balance sur le chanteur qui commence à hurler :

"Hear the sound of the falling rain
Coming down like an Armageddon flame
The shame
The ones who died without a name ..."

D'un coup tout explose. Au moins je suis réveillée, c'est déjà ça. Prudente, je me lève, m'empêtre dans mes dras, tombe, me relève précipitamment, trébuche et court à tâtons jusqu’à l'interrupteur. Une fois la lumière allumée, je contemple les dégâts : non Green Day n'a pas débarquer dans ma chambre. Je soupire. Je ne sais pas pourquoi mais j'y avais presque cru. Pourquoi d'ailleurs ? Peut-être parce qu'aujourd'hui est un jour très particulier. Enfin, il me semble qu'il était sensé être très particulier mais je suis incapable de me souvenir pourquoi.

C'est alors que je remarque le bazar sur le sol : ma lampe de chevet est brisée en mille morceaux qui se mêlent à ceux de mon réveil qui n'a apparemment pas survécu à l'attaque sournoise de ma lampe. Avec un autre soupire, je lance :

- Ewa ? Tu me file la balayette s'il te plait ?

J'attend quelques secondes puis, comme comme miss Rouquine ne daigne pas bouger, j'attrape une chaussure et lui balance dessus en vociférant :

- Eh la rousse ! Debout !

Mais Ewa ne bouge toujours pas. Prenant mon impatience à deux mains, j'enjambe les cadavres de mon réveil et de ma lampe puis me dirige vers la salle de bain. En apercevant mon image dans la glace, je soupire. Décidément aujourd'hui n'est pas mon jour. J'attrape un élastique, m'attache sommairement les cheveux puis m'empare de la petite pelle et de sa copine la balayette. D'ailleurs personne n'a jamais remarqué ça mais je suis sûre que la pelle et la balayette sont lesbiennes en fait : elles sont toujours ensemble, pour le meilleur et pour le pire (surtout pour le pire d'ailleurs vu ce pour quoi elles sont faites).

Je retourne à mon lit, cogitant silencieusement cette question existentielle. Mais lorsque mes yeux se posent sur le lit de ma colocataire, je ne peux retenir un sourire malicieux. Je jette la pelle et la balayette sur mon lit puis empoigne la couette d'Ewa à deux mains et ... c'est alors que je me rappelle pourquoi ce jour est spécial : c'est le jour du grand concours de CCE. Quelle idiote je suis ! Oublier ça non mais il faut vraiment que je me fasse soignée. Je jette un coup d'oeil à Ewa qui se tortille pour essayer de retrouver sa couette. Oh et puis tant pis pour elle ! Je n'ai pas le temps de la réveiller. Je jette à un coup d'oeil à mon réveil ... Ah bah non c'est vrai il est mort. Je me jette donc sur celui d'Ewa et, sans tenir compte de ses protestations, j'appuie sur tous les boutons jusqu'à trouvé celui qui éclaire l'écran pour que je puisse voir l'heure : 7h47. Dire que j'étais sensée me lever à 7h30 !

- Arrête de gémir et lève-toi ! Fichue rouquine !

J'attrape donc ma tenue de concours : une culotte d'équitation blanche, une chemise de la même couleur, la veste réglementaire noire et une paire de bottes noires elles aussi. J'enfile tout ça le plus vite possible puis me précipite dans la salle de bain. Un lavage de dents et une queue de cheval plus tard, me voilà prête. J'attrape alors un stick, enfile mes bottes et sors. Mais avant de partir, je ne peux résister à la tentation d'embêter un peu plus ma colocataire. J'attrape donc la petite soeur de la chaussure que je lui ai balancé tout à l'heure et lui balance à nouveau dessus en l'appelant :

- Hé grosse Ewa ! Debout je te dis ! Il est 14h tu as tout loupé et tu es éliminée ! Bonne journée !

Puis je sors dehors et ferme la porte alors qu'un sourire s'étire sur mes lèvres : aujourd'hui est un grand jour, le jour de ma victoire !

Juste après avoir refermé la prote de ma chambre, je cours jusqu'aux vestiaires pour récupérer mes affaires : mon tapis de concours blanc, mon amortisseur de la même couleur, ma selle de dressage, mon filet et mon mors de bride. J'énumère mentalement le matériel dont j'ai besoin et remarque qu'il me manque deux choses dont l'une est peut-être un tout petit peu importante : ma boîte de pansage. Et les bandes de travail aussi. Je me met à fouiller frénétiquement dans mon casier lorsqu'un autre détail m'apparaît, j'ai perdu mes bandes de travail blanches juste avant le déménagement et, gourde que je suis, j'ai oublié d'en racheter. Je cherche donc un peu partout mais apparemment je ne suis pas la première debout et les autres ont déjà tout pris. Peut-être en trouverais-je dans l’Écurie de Dressage, on ne sait jamais.

J'attrape donc ma boite de pansage, une paire de gants et le reste de mes affaires et me dirige vers le box d'Équinoxe. Après avoir déposé tout mon paquetage sur le sol, je passe la tête par dessus la porte. Ma jolie jument dorée est là, allongée sur le sol en train de mâchonner du foin, et me regarde comme si j'étais de trop. Non en fait son regard me dit clairement : "Dégage Klaamka, moi je glande et toi tu gêne. Comme toujours." C'est vrai que ça a toujours été le grand amour entre elle et moi ! Enfin, ça va mieux depuis qu'elle a eut une magnifique petite pouliche : Twenty One Guns. Ce qui me fait penser que son père va participer au concours lui aussi : Good Boy d'Argentine et sa cavalière, la grande Océane Jenifaël Chevalier.

- Bonjour mon bisounours d'amour ! Ça va ? Tu as bien dormi ? Tu sais que c'est le grand concours de complet ? Et que l'épreuve de dressage commence aujourd'hui ?

Ce à quoi ses yeux et ses ruminations blasés me répondent : "Non ça ne va pas depuis que tu es là. Oui je dormais bien jusqu'à ce que tu arrives. Oui je sais tu me l'a déjà dis des milliards de fois et oui tu te répète, ma vieille." J'éclate de rire et lui tire la langue :

- Oui je sais, je sais je t'embête ! Enfin sans moi tu serais toujours une pauvre petite ponette perdue au milieu d'un grand pré chez ton éleveur alors un peu de respect ma grosse !

Sur ce, je déverrouille la porte et rejoins Équinoxe dans son box, tout en prenant soin d'ignorer son regard assassin. Peut-être qu'elle n'a pas apprécier que je débarque au milieu de son repas ? Ou alors que je la traite de grosse ? Oh et puis tant pis pour elle après tout ! J'attrape son licol et sa longe mais Équinoxe, toujours allongée, a apparemment décidé de me compliquer la vie aujourd'hui. Je m'approche donc d'elle et la pousse pour la faire se relever :

- Allez Équinoxe ! Debout feignasse !

Heureusement, Madame se relève. Après lui avoir passé son licol et sa longe, je la fais sortir du box et l'attache. Mon étrille en main, je commence donc à faire de grands cercles pour chasser la poussière, les brins de paille et les peaux mortes encore logées dans son poil. Une fois cette partie du pansage terminée, j'attrape mon bouchon. Je la brosse tout d'abord entièrement à rebrousse-poils, pour décoller ce qui aurait échapper à l'étrille, avant de le refaire dans le sens du poil. Après ça, je m'empare de ma brosse douce puis de mon époussette pour fignoler et lustrer son poil. Ce travail fini, je passe aux sabots, armée de mon redoutable cure-pied. Je retire tout ce qui s'est coincé sur ses sabots et sous ses fers puis j'inspecte minutieusement ses fers pour vérifier qu'ils ne risquent pas de nous fausser compagnie pendant le parcours. Comme tout est bon, je passe aux crins. Debout sur ma boîte de pansage, je sépare sa crinière en onze mèches, le nombre de pions devant toujours être impair et de préférence exactement onze. Peut-être que ce soucis du détail sera apprécié par les juges, on ne sait jamais. Ma boîte d'élastique en main, je tresse donc une à une chacune des tresses puis le toupet. Je les plie ensuite en quatre et les fais tenir en les entourant d'un élastique. Cela fait, je passe à la queue. Je peigne, peigne, peigne et repeigne sa longue queue couleur sable jusqu'à ce que les noeuds abandonnent et alors seulement je commence ma tresse de queue, que je continue jusqu'à ce qu'elle atteigne les trente centimètres, environ. Fière de mon travail, je recule et me saisit de ma bombe de laque. La dernière fois que j'ai mis de la laque à Équinoxe cela s'est plutôt mal passée mais j'espère qu'aujourd'hui sera une réussite. Non je n'espère pas, je le sens. Je me décale donc un peu sur le côté et asperge sa queue, sans tenir compte du coup de pied que ma jument lance dans le vide. Je passe alors à sa crinière. Comme j'ai l'intention de faire très vite pour éviter qu'elle s'énerve, je recule dès le début ma caisse de façon à pouvoir tout faire en une fois. J'appuie sur le spray, laque ses douze pions puis je range ma laque dans ma caisse et la félicite :

- C'est bien ma belle. Voilà mon amour c'est fini, doucement. Soit calme.

Et après le pansage vient l'harnachement. Je commence donc par attraper mon tapis dans une main et mon amortisseur dans l'autre et les pose l'un après l'autre sur l'encolure de ma jument avant de les faire glisser doucement vers son dos pour éviter que les poils soit dans le mauvais sens et la gêne. Je saisis ensuite ma selle et la hisse sur son dos. Je dégarrotte puis la sangle de quelques trous, sachant que je la ressanglerais de toute façon dans le manège. Je me place ensuite devant elle, attrape son antérieur et la fait le tendre devant elle afin qu'il n'y ai pas de plis sous sa sangle. Je refais la même chose avec l'autre antérieur puis lui met son licol en collier de chasse. J'ai déjà bien eut assez de problèmes avec sa tendance à fuguer et ce n'est pas vraiment le jour pour lui courir après, j'ai un concours à gagner moi ! J'attrape mon filet dans la main droite et essaye de lui passer le mors. Enfin les mors. Sauf que apparemment Équinoxe à très bien compris que ce serait moins agréable pour aussi elle refuse d'ouvrir la bouche.

- Allez Équinoxe ! Ouvre-la bouche ! Allez, s'il te plait quoi ! Tu es ridicule, on dirait une enfant qui ne veut pas ouvrir la bouche chez le dentiste !

Cette image me fait sourire : je me revois sur le fauteuil du dentiste, à l'âge de cinq ans, en train de fermer la bouche le plus possible pour que "l'Horrible et l'Abominable Mister Blouse Blanche" ne puisse pas insérer ses instruments de torture dedans.

- Je compte jusqu'à trois Équinoxe. Après si tu n'as pas ouvert la bouche tu seras privée de carottes pendant une semaine.

Personne ne saura jamais si elle avait compris ou si elle n'avait simplement plus envie de résister, toujours est-il qu'elle ouvrit la bouche, me laissant y glisser son mors et son mors de bride. Fière d'elle, je la prend dans mes bras et embrasse son chanfrein :

- Bah voilà ! C'est pas compliqué ! Tu es la meilleure ma belle.

Sur ce, j'enfile ma bombe, détache le licol d'Équinoxe et la guide vers les Écuries de Dressage. Une fois là-bas, je cherche le box de l'andalou noir de ma colocataire et ne tarde pas à le repérer, le box 3 est inscrit d'un nom que je reconnaît tout de suite "Isaho de la Luna". Je m'approche, passe la tête par dessus la porte. Ewa est là, c'est donc qu'elle a enfin réussi à se réveiller ! J'espère qu'elle ne s'en souvient pas ! Priant pour qu'elle est une mémoire de poisson aussi rouge que ses cheveux, je souris et lui lance :

- Ewa dépêche toi ! Tu passes deuxième donc si tu veux avoir le temps de t'échauffer ...

Sauf que vous me connaissez, je m'intéresse rarement aux gens pour leurs beaux yeux. Si je suis là, à souhaiter bonne chance à celle qui sera mon adversaire, c'est donc qu'il y a une raison et que j'ai besoin d'elle de façon inévitable. Mais elle est rousse, je doute donc qu'elle s'en rende compte. C'est donc toujours mon sourire aux lèvres que je lui lance avec un air innocent :

- J'étais venue chercher des protections pour le dressage, il n'y en a pas dans la sellerie de CSO. Je dois y aller, je passe en première, je te souhaite bonne chance même si on est adversaires !

Elle inspecta ensuite minutieusement le contenu de la boîte de pansage de sa colocataire qui était répandue un peu partout sur le sol. Sauf qu'elle ne voyait nul part des bandes de travail qu'elle aurait pu ... emprunter disons. Avec un soupire, elle se dirigea donc vers la sellerie des écuries de dressage et attrapa quatre bandes de travail blanche. Après les avoir mises à Équinoxe, elle se dirigea vers la carrière pour commencer la détente.

Arrivée à la carrière d'échauffement, je commence tout d'abord par dégarrotter puis je resserre la sangle d’Équinoxe d'un trou. Après m'être mise en selle et avoir rallongé mes étriers de façon à ce que mes jambes soient presque tendues, je commence la détente en faisait passer Équinoxe au pas sur la piste, veillant à ce qu'elle reste en place. Heureusement, je suis la première à passer l'épreuve, je n'ai donc pas à me soucier de savoir si celui d'avant à terminé. Et puis cela permet d'avoir un avis parfaitement neutre de la part du jury : ils n'ont pas encore d'élément de comparaison. Bien ou mal ? A chaque chose ses avantages et ses inconvénients, cet ordre de passage ne faisait pas exception à la règle.

Je commence tout d'abord par des figures simples et exigeant peu de souplesse en attendant que les muscles de ma jument se détendent : doublers, diagonales, cercles, puis j'inclus dans mon parcours des transitions pas-trot ainsi que des voltes, demie-voltes et des petites diagonales pour la faire travailler au deux mains. Lorsque je sens la belle akhal-téké commencer à s'échauffer et se mouvoir avec plus de souplesse, je lui demande le galop, exécute un contre changement, une diagonale et la fait faire un changement de pied qu'elle réussit sans trébucher ou rompre sa cadence. Je la conduis ensuite sur un cercle, veillant à l'incurver comme il faut. De retour sur la piste, je lui demande une transition descendante puis, lorsque ses foulées sont à nouveau cadencées, je la fais changer de main par un doubler et lui fais faire une volte pour l'incurver à l'autre main. Après quelques foulées supplémentaires au trot assis, je lui demande de repasser au pas puis de faire une tête au mur, puisque cette figure est demandée dans la reprise. Comme souvent, Équinoxe s'exécute avec brio.Je fais donc une diagonale pour changer de main et lui redemande pour l'assouplir un peu plus. A nouveau, ma jument fait un sans-faute.

Quelque chose interrompt alors mon échauffement : la voix du speaker résonne dans le manège, emplissant l'espace de tel façon que j'ai l'impression que ma tête va exploser. Je me demande comment fait Équinoxe, avec une ouïe beaucoup plus fine que la mienne, pour ne pas hurler.

- Le premier couple à rentrer dans la carrière est Klaamka Harjy et sa jument Équinoxe des Neiges !

Ça y est, c'est à mon tour. Je vais enfin pouvoir faire mes preuves, prouver que je suis la meilleure et surtout que ma jument vaut beaucoup mieux que ce qu'elle laisse paraître. Nombre de gens l'ont critiqué pour son mauvais caractère et ses fugues. L'envie de liberté et d'expression doit-elle être jugée ? Non. Et aujourd'hui je vais leur prouver qu'ils avaient tort.

Je souffle un grand coup pour évacuer le stress qui commence à pointer son nez puis je flatte l'encolure de ma belle akhal-téké et me penche sur son encolure pour lui murmurer à l'oreille :

- Vas-y ma belle, montre-leur ce que tu vaux.

J'embrasse sa robe lustrée puis je m'installe au trot assis et me dirige vers le manège, vers la victoire.

La première figure est un doubler en A, je fais donc un tour de la piste à main gauche au trot et, arrivée à la lettre, je demande à Équinoxe de tourner avec une rêne d'appui.

Me voilà donc face au jury.

Le plus discrètement possible pour éviter que le jury ne le voit, je lève les yeux vers le toit du manège pour tenter de repérer la lettre X mais je me rend bien vite compte que soit il n'y a pas de lettre X dans ce manège soit il sera trop tard le temps que je la repère puisque Équinoxe trotte allègrement vers le centre du manège, toujours en place sous la pression de mes mains sur son bride. Je la ralentis un peu pour essayer de gratter quelques secondes pour repérer de façon sûre le centre du manège puis je me rappelle que le X est sur la même ligne que le B et le E. Ni une ni deux, je tourne le plus légèrement possible la tête vers la droite et repère le B à quelques mètres de moi. Lorsque j'arrive à son niveau, je me redresse sur ma selle et demande l'arrêt à Équinoxe, ce qu'elle fait sans broncher. Je lève la main jusqu'au niveau de ma bombe et salut.

Après quelques secondes d'arrêt, je redemande le trot d'une pression de jambes. Ma jument exécute parfaitement la transition mais s'installe dans un trot trop tranquille pour être considérer comme un trot de travail par les juges. D'une nouvelle pression de jambes, moins prononcée cette fois, je la fais accélérer. Arrivée devant le jury, j'appuie ma rêne gauche sur l'encolure d’Équinoxe en écartant légèrement la seconde rêne vers la droite. Ma jument tourne alors à main droite. Je regarde déjà le fond du manège. Juste avant le virage, il y a le F et je devrais partir au galop.

Alors que je me prépare mentalement à placer mes aides, Équinoxe accélère, comme si elle avait senti que nous allions partir au galop. Pour éviter qu'elle ne parte avant mon signal, j'exerce une légère pression sur mes quatre rênes et, à mon grand soulagement, Équinoxe semble avoir compris qu'il faut attendre. Enfin semble, car avec elle l'obéissance est parfois -surtout lorsqu'il s'agit de passer au galop- plus une question de chance que de savoir-faire. Mais aujourd'hui, la jument trotte gracieusement jusqu'à ce que je lui demande le départ au galop, une fois entre le F et le A. Est-elle de bonne humeur ou me laisse-t-elle seulement quelques espoirs tout en préparant le pire dans sa petite tête machiavélique de cheval ? A vrai dire pour le moment je m'en fiche, je me reconcentre donc sur le parcours sans m'attarder plus sur ce genre de questions tout à fait existentielles. Je vérifie donc qu'Équinoxe à une bonne impulsion et est assez en avant -un défaut que je lui ai découvert et contre lequel je bataille depuis que je l'ai découvert, il y a quelques semaines.

Je me rends alors compte que le E n'est qu'à quelques mètres de moi. Surprise, je place rapidement mes aides pour la faire tourner sur le cercle de 20m qui est demandé puis isole ma jambe intérieure pour la faire s'incurver, ce qu'elle fait -comme toujours- sans problème. Son problème est plutôt son placement. Cette petite peste d'amour passe son temps à tirer sur son mors pour pouvoir étendre son encolure. Ce qui me fait revenir à la question : est-elle vraiment de bonne humeur ou est-ce que je dois déjà commencer à voir défiler ma vie devant mes yeux ? Ah bah non en fait car la voilà qui commence à tirer légèrement sur les rênes, comme pour me prévenir qu'elle va me les arracher, mais elle cesse dès que j'exerce une petite pression sur les rênes : ah bah oui le mors de bride c'est pas fait pour faire joli, hein ! Des fois c'est utile ! Pour lui faire oublier qu'elle peut m'arracher les rênes quand elle veut, j'appuie un peu plus sur son flanc avec ma jambe isolée pour l'incurver un peu plus, faisait tout de même attention à ce qu'il n'y ai pas trop de pli, ce qui serait pour déplaire aux juges.

Nous finissons notre cercle aux alentours du C, mais il ne faut pas compter les centimètres ! Enfin normalement les juges ne sortent pas leur règle pour vérifier que l'on est bien arrivé tout pile à la lettre indiquée mais bon, on ne sait jamais ! Prudence est mère de sûreté comme on dit. De retour sur la piste, j'entretiens le galop jusqu'en H puis me redresse et, d'une très légère pression sur les rênes, redemande le trot. Équinoxe obéit mais me voilà à batailler pour la ralentir et lui faire retrouver un trot cadencé. Heureusement, j'arrive à l'obtenir juste avant le passage devant les juges, en C.

Je rejoins donc tranquillement la lettre R, m'appliquant pour éviter que ma jument ne coupe les coins, puis fait une rêne d'ouverture pour lancer Équinoxe sur une petite diagonale reliant R et V. Je finis ma diagonale par le changement de main demandé puis demande le pas dès que nous avons dépasser le K. J'accompagne les mouvements d'Équinoxe avec mon assiette pour que son pas soit actif puis, en F, tourne comme si j'allais faire une diagonale mais, un peu avant L, je guide ma jument sur un demi-cercle pour finir ma demie-volte, tout en gardant ma jambe intérieure reculée pour réclamer une incurvation.

Nous revoilà donc au pas sur la piste sauf que ce qui s'annonce promet d'être beaucoup plus drôle : la dixième figure de ma reprise est une figure de dressage que, heureusement, Équinoxe connaît, même si nous ne l'avons répété ensemble que rarement. Juste avant K, je recule donc ma jambe extérieure -la gauche- pour décaler les hanches de ma jument vers l'intérieur de la piste tandis que mes mains gardent ses épaules sur la piste et que ma jambe droite maintient l'impulsion. Je garde mes aides placées jusqu'au bout de la longueur où je replace ma jambe isolée à la sangle pour lui demander d'arrêter, ce qu'elle fait qu'elle fait immédiatement puisqu'elle n'attend que ça depuis le début de la figure. Après quelques foulées de pas, nous voilà en C, juste devant le jury. D'une pression de jambe, je demande à Équinoxe de partir au trot.

Alors que nous approchons de la lettre B, je me prépare à faire une rêne d'appui et une rêne d'ouverture car faire une volte de 10m au trot n'est pas une mince affaire lorsque l'on a une jument aussi peu souple qu'Équinoxe. A croire que celui qui à créer le parcours n'est jamais monté sur un cheval ! Je suis sûre qu'il a pioché des figures au hasard dans une grande urne et les à marquer les unes après les autres sur une feuille en disant "Voilà la reprise de dressage !" sans même regarder ce que cela donnait. L'approche de la lettre B coupe court à mes vociférations mentales. J'écarte alors ma rêne gauche en rêne d'ouverture pendant que ma rêne droite vient s'appuyer contre l'encolure couleur sable de ma jument. D'une pression de ma jambe intérieure, je la fais s'incurver, veillant à ne pas la pousser trop vers l'extérieur du cercle pour qu'elle ne dépasse pas la ligne invisible des 10m, symbolisée par le X -que je n'ai toujours trouvé d'ailleurs.

De retour sur la piste, j'attend que nous ayons passé le F pour reculer ma jambe extérieure et faire passer Équinoxe au galop à droite mais je sais qu'elle a tendance à couper les coins au galop aussi, prévoyante, j'écarte ma rêne extérieure et exerce une pression avec ma jambe intérieure lorsque nous passons le coin entre F et A. Arrive alors la quatorzième figure : une diagonale. Sauf que qui dit "diagonale au galop" dit "changement de pied". En K, j'écarte donc ma rêne droite pour guider Équinoxe vers le M. Me voilà maintenant entre le B et le E, soit au milieu du manège. J'inverse alors mes aides, comme si je voulais la faire passer au galop à gauche, ce que je veux faire d'ailleurs. Équinoxe change de pied comme elle peut mais garde la cadence. En M, je passe à main gauche puis, alors que je passe pour la énième fois devant les juges, me redresse et lui redemande le trot d'une pression de rêne.

Après quelques efforts, me revoilà sur au jument au trot de travail. Sauf que le V est déjà là, cet idiot ! Je ne l'avais pas vu arrivé aussi je tourne rapidement les rênes pour guider ma monture vers le P, puis, une fois de l'autre côté de la piste, je la refais passer à main droite. Presque immédiatement, j'arrive en K. Je fais tourner Équinoxe vers le X ou plutôt vers le M puisque je n'ai toujours pas repéré ce fichu X. Je me demande s'il y en a un d'ailleurs. Ah bah si le voilà ce coquin ! Je ne l'avais pas remarqué car il était tellement plein de poussière qu'il en devenait presque aussi marron que le toit du manège. Juste avant d'arriver sous Monsieur X, je me prépare donc à faire une rêne d'appui pour faire virer de bord Équinoxe. Bientôt nous voilà en H avec un beau contre-changement de main derrière nous.

Je laisse Équinoxe suivre la piste jusqu'en B où d'une action de main je la place sur un petit cercle -ou une grande volte au choix. Je n'ai jamais vraiment aimé les cercles de 15m : on ne sait jamais jusqu'où il faut aller ! On pourrait se dire tout bêtement d'aller jusqu'entre P et V puis entre R et S mais c'est faut puisque ça ne fait que douze mètres de chaque côté ... Nous dépassons donc un peu la ligne du L puis je la laisse faire, veillant juste à ce qu'elle n'agrandisse ou ne rétrécisse pas son cercle. Pour le reste, elle sait faire un rond.

Voilà que j'arrive à la fin. Il faut que je me concentre ! En A, je guide Équinoxe sur le doubler, en veillant à ce qu'elle garde une trajectoire bien rectiligne : nous sommes face aux juges, ils remarqueraient facilement la moindre erreur, la moindre déviation.

Me revoilà donc face au jury.

Je laisse Équinoxe trotter jusqu'en X puis l'arrête. Je crois qu'elle commence à en avoir plein les jambes elle aussi, elle ne se fait donc pas prier et s'arrête immédiatement. Je lève ma main droite vers ma bombe puis salut.

- Applaudissez bien forts Klaamka et Équinoxe qui nous ont fait une très belle démonstration ! Et maintenant, voici notre deuxième couple, Ewa Jenkins et Isaho de la Luna!

J'ai enfin réussi ... J'ai entièrement fini mon parcours, sans commettre de grosses fautes ou oublier une figure -ce qui m'avait toujours éliminée jusque là. Si mes parents me voyaient ... Ils seraient si fiers de moi ! Ils m'avaient envoyé ici pour que je progresse et que je traîne enfin avec des gens fréquentables et férus de chevaux. Ils avaient réussi.

Je me demande comment Ewa a réussi son parcours. Je n'ai pas pu la voir puisqu'il fallait que je m'occupe de ma chère Équinoxe aussi de toute façon je ne me fais pas de soucis pour elle : Isaho est un cheval de dressage et avec la complicité qu'ils ont ce serait vraiment étonnant qu'ils perdent. Et si Ewa me pique la première place ? Bah ! Elle la mérite peut-être après tout ... Et puis il me reste le CSO et le Cross pour la rattraper !

Un coup de tête d’Équinoxe m'a ramené à la réalité. Ah bon ? On est déjà arrivé devant son box ? Je n'avais même pas remarqué que qu'elle marchait toujours pendant que je pensais. Je met pied à terre et attrape la petite tête de ma jument et l'embrasse sur le chanfrein :

- Je t'aime ma chérie, tu vas voir on va gagner Isaho et Ewa !

Enfin les compliments, c'était avant que je la renifle, parce qu'on ne pouvait pas dire qu'elle dégageait un subtil parfum d'orchidée ! En rigolant, je lui attache son licol en collier de chasse, lui retire son filet puis lui rattache son licol. Je flatte son encolure puis détache sa sangle et retire sa selle, son amortisseur et son tapis. Équinoxe s'ébroue alors me faisant penser à un chien sortant de l'eau :

- C'était si terrible que ça ?

Je rigole à nouveau tout en sortant mon étrille de ma boîte de pansage. Pendant de longues minutes, je trace de grands cercles le long de sa robe, faisant voltiger des montagnes de sables dans l'air, puis j'échange ma brosse contre un bouchon et brosse ma jument à rebrousse-poil et dans le sens du poil. Je passe ensuite un rapide coup de brosse douce mais n'insiste pas car Équinoxe est déjà bien propre et que cette épreuve m'a achevée. Mais il me reste quand même le cure-pied à passer. Je fais les sabots l'un après l'autre et, heureusement pour moi, ma jument semble trop fatiguée pour m'empêcher de m'occuper de ses postérieurs. Une fois le pansage terminé, je rentre Équinoxe dans son box et lui donne une carotte, qu'elle engloutit immédiatement :

- Je vais voir où ils en sont ma belle ! Il ne faudrait pas que je loupe le classement provisoire !

Sur ce, je lui fais un dernier baiser sur le chanfrein et me dirige vers le manège. Au passage, je jette un coup d'oeil aux boxs 8 et 16, ceux de Broken Heart et Sweet Reflexion, puisqu'ils participent tous les deux au concours mais ils sont tous les deux vides. Pourtant il me semblait bien que Vahana et Anne passaient 4ème et 5ème ! Serait-il possible qu'elles soient déjà passée ? Oops, je suis en retard on dirait ... Me voilà donc qui court vers le manège.